Non-recours aux droits sociaux : comment y remédier ?
Le non-recours aux droits sociaux, défini comme la situation où des individus ne bénéficient pas des droits ou services auxquels ils pourraient prétendre, est une problématique cruciale à Bruxelles. Quelles en sont les causes et surtout les conséquences sur les publics précaires ? Des pistes de solutions sont dégagées pour garantir l'accès aux droits pour tous. Analyse et décryptage par Laurence Noël, collaboratrice scientifique à l’Observatoire de la santé et du Social, service d’études de Vivalis.
Le non-recours aux droits sociaux renvoie à toute situation dans laquelle une personne ne bénéficie pas d'un droit ou d'un service auquel elle pourrait prétendre. Ce phénomène a été étudié dans le cadre du Rapport bruxellois sur l'état de la pauvreté, élaboré par l'Observatoire de la santé et du Social, service d’études de Vivalis.
“Les droits sociaux analysés sont le droit à l'aide sociale, les aides au logement, le droit aux allocations de chômage, les droits aux prestations de soins de santé, le droit à la formation et prestations sociales financières, matérielles ou de services”, explique Laurence Noël, l'auteur de ce rapport.
Les causes du non-recours
Le non-recours aux droits sociaux est dû à de multiples facteurs : la situation des personnes, leurs ressources, des facteurs administratifs, institutionnels, législatifs, divers types de discriminations, les politiques publiques, etc.
“Les changements de statuts socio-administratifs sont fréquents et augmentent le risque de non-recours. Ces changements sont liés aux risques sociaux classiques (perte d'emploi, maladie, accident), aux modifications des situations familiales (séparation, décès, naissances…), aux transitions de la vie (entrée dans la vie active ou étudiante, passage à la retraite, …) mais aussi aux obligations des dispositifs d'activation (accepter un emploi, une formation)”, développe Laurence Noël.
Les passages fréquents entre emplois, formations, prestations sociales comportent des difficultés systématiques de maintien ou demande de droits. Les raisons sont entre autres l'impossibilité de joindre un interlocuteur, les délais d'attente, les démarches multiples, la complexité juridique et l'absence de suivi, les délais légaux de réponse dépassés, etc.
L'impact de la dématérialisation des services
La dématérialisation des services publics et privés, accélérée par la crise sanitaire, a également exacerbé le non-recours aux droits sociaux.
“Les conséquences de la dématérialisation des services et des procédures sont considérables sur l'octroi et le maintien des droits sociaux. Depuis, la problématique a été mise à l'agenda politique avec des constats, des réponses à tous niveaux de pouvoir : local, régional, fédéral, européen et international,” continue-t-elle.
Situations et conséquences du non-recours
En fonction des différents droits sociaux étudiés dans le rapport, les situations de non-recours entraînent des conséquences graves. “Les situations de non-recours durent de plus en plus longtemps et provoquent des pertes de revenus, des pertes de logement par exemple mais aussi, in fine, des pertes de droits (inéligibilité) et d'exclusion du droit”, déclare la chercheuse.
Le non-recours est précarisant, avec des impacts plus sévères sur les plus vulnérables.
“Les Bruxellois.es précaires et en situation de (grande) pauvreté sont très fortement touchés pour plusieurs droits sociaux fondamentaux. Bien souvent, plusieurs situations de non-recours aux droits sont vécues simultanément ou consécutivement par les usagers : non-connaissance, non-demande, non-accès et non-proposition", indique Laurence Noël.
Pistes de solutions
Pour améliorer la situation, plusieurs mesures ont été proposées par les intervenants professionnels interviewés tels que des agents d'administrations publiques, des assistants sociaux, des juristes spécialisés dans l'aide juridique, des intervenants de mutualités, de syndicats, de services de formation, de différents types d'aides sociales, etc. Il serait notamment opportun de simplifier l’accès des demandes d’allocations, de simplifier la réglementation, d'harmoniser les procédures, de maintenir des guichets accessibles, et d'utiliser un langage simple pour les communications écrites, d’améliorer le système de sécurité sociale et d’aide sociale, d’approfondir une réflexion sur les pratiques proactives des administrations et des associations.
Une "automatisation des droits" est également prônée, mais nécessite une vérification humaine des données pour assurer leur exactitude. "Une meilleure coordination des échanges de données entre administrations et niveaux de pouvoirs est souhaitée. Les professionnels ont également pointé le besoin d’un accès plus rapide aux données, l’impératif d’accélérer les décisions d’(in)éligibilité et d’éviter des radiations ou fermeture de droits automatiques”, ajoute notre collaboratrice scientifique.
Pour plus d'informations, consultez le rapport complet “Aperçus du non-recours aux droits sociaux et de la sous-protection sociale en Région bruxelloise”.